Le Pays Toraja, voyage entre « le riz » et « la mort »,Sulawesi
21 juin 2019
Après notre petite étape à Tentena, nous rejoignons en bus le pays Toraja, à la découverte d’une culture qui ne nous laissera pas indifférents.
Trajet entre Tentena et Rantepao
Comme annoncé à la fin de notre article sur Tentena, nous avons pris un bus, pour rejoindre Rantepao, la ville principale de Tana Toraja (pays des Toraja).
Pas facile côté transport pour y aller car il y a seulement le choix entre prendre un bus ou prendre une voiture avec chauffeur pour effectuer un long même un très long trajet d’environ 13 heures de bus. Pourtant il n’y a pas tant de kilomètres que ça entre les deux villes mais la route est très sinueuse et dégradée.
Nous optons pour l’option bus de la compagnie Batutumonga , on se dit que de toute façon c’est vraiment moins cher (environ 12 euros par personne) et que ça ne mettra pas beaucoup plus de temps que la voiture! Par chance, on a un bus très confortable où les sièges s’allongent presque entièrement.
Apparemment ce n’est pas toujours le cas, en général ce sont des bus dans des piteux états où il ne faut pas espérer dormir durant le trajet. On remercie donc grandement le Victory Hotel de Tentena de nous avoir réservé ce bus.
Au final le trajet se passe bien, malgré que notre bus tombe en panne en plein milieu de la nuit, avant de redémarrer 20 minutes plus tard au milieu de nulle part. On découvre les premiers villages aux maisons Toraja et nous arrivons vers 8 heures du matin à Rantepao, déposés par le bus en centre ville avant de rejoindre notre hôtel à pied.
On logera au Wisma Monton ou l’on sera les seuls occupants durant nos 5 jours ici. Les chambres sont à 18€/nuits avec le petit déjeuner.
Découverte de Rantepao
On arrive un mardi, on a de la chance c’est le jour du marché aux bestiaux de Pasar Bolu (également le samedi). Le buffle, le cochon et le coq sont les animaux représentés dans ce marché et sont énormément présents chez les Toraja. Il faut savoir, que cette population, fait partie de la faible part des indonésiens non musulmans. En effet, l’Indonésie est le premier pays musulman au monde avec un taux de 89% environ.
Le buffle est sacré, il représente la richesse et est très présent dans la culture, il est choyé auprès de son maître durant toute sa vie avant d’être sacrifié lors d’une cérémonie funéraire car ce dernier permettrait au défunt de franchir la porte du paradis. Le cochon sera aussi sacrifié car il permet d’accompagner le défunt au paradis. Et le coq représente le courage souvent symbolisé devant les maisons.
On se promène dans le marché, et nous voyons pleins de buffles à vendre, plus ou moins gros, des noirs, des albinos.
Les albinos (moitié noir et blanc) sont les plus rares et donc les plus chers, le prix peut monter jusqu’à 50 000 euros ! C’est assez impressionnant quand on connait le salaire moyen d’un indonésien.
Ce premier jour nous découvrons tranquillement Rantepao et le marché pour nous plonger petit à petit dans la culture.
Immersion dans la culture
Assister à une cérémonie funéraire Toraja
Pour pouvoir voir et comprendre au mieux ce culte que les Toraja ont envers la mort, nous prenons un guide francophone, Endi, pour la journée. Nous allons aujourd’hui dans une cérémonie funéraire. Celles-ci sont très importantes pour ce peuple voir c’est la chose la plus importante de leur vie.
Une famille travaille toute sa vie pour pouvoir payer une cérémonie digne à leur défunt lui permettant d’aller vivre sa seconde vie. Cela coûte très cher, c’est pour cela que certaines familles gardent le corps du défunt au sein de leur maison, dans une chambre situé au sud, durant plusieurs jours voir plusieurs années avant de pouvoir faire une cérémonie.
Ces rites funéraires sont mondialement connus, car ils sont très particuliers et très codifiés. Le guide et son chauffeur viennent nous récupérer à Rantepao puis nous partons vers 9h pour aller assister à une cérémonie d’une famille modeste.
Les cérémonies durent de trois à sept jours en fonction des moyens de la famille. Celle ci invite tous les gens qu’elle connait et tous les invités doivent offrir un présent dont la valeur dépend du degré d’affinité. Un buffle ou un cochon pour la famille proche et pour nous en tant qu’invité, ce sera une cartouche de cigarettes.
Le guide nous prévient, aujourd’hui c’est le deuxième jour et ce sera la journée des sacrifices de buffles et de cochons. La défunte est une dame qui était âgée de 93 ans. Pauline espère que ce ne sera pas trop dur à regarder, mais nous y allons quand même.
En tant qu’invités, nous saluons la famille, on leur donne la cartouche et on s’assoit au sol près d’elle, à côté du cercueil, où l’on nous sert un thé et des gâteaux traditionnels au miel. Les buffles sont déjà sacrifiés, il y pleins de sang, et quelques hommes sont entrain de les dépecer. Ce n’est pas très agréable à regarder pour Pauline qui ne montre pas son dégoût par respect.
Le guide nous explique tout ce qu’il se passe, durant cette cérémonie, les animaux sacrifiés ont été décapités d’un coup de sabre, et la viande sera distribué à tous les invités en proportion égale pour être entièrement mangée.
Ce qui est le plus difficile, ce sont de voir les cochons suspendus sur un bambou et de les entendre crier. Ceux-ci ne seront pas sacrifiés mais sont donnés à la famille en gage de présent.
Les gens resteront ici, à dormir dans des maisons ouvertes temporaires (plancher en bambou avec un toit) construites seulement pour la cérémonie.
Avec nos yeux d’occidentaux, il est peut être difficile de voir des rites comme ceux là, cela demande une certaine ouverture d’esprit de se dire que nous avons tous nos propres cultures et qu’il est important de les respecter. Ce que l’on trouve bien c’est que les animaux ont une part importante chez les Toraja, ils ont normalement été bien traités durant leur vie (certains buffles sont lavés tous les jours au shampoing !).
Lorsqu’ils les sacrifient, la viande est entièrement consommée, la peau, les cornes et toutes les parties du corps sont utilisées (différent du gaspillage que l’on peut souvent voir dans nos sociétés).
Villages Toraja
Nous quittons la céréomonie, et on se dirige vers le village de Kete Kesu, un village inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un beau village représentatif des maisons Toraja.
Les maisons respectent toutes un alignement Nord-Sud. Le Nord symbolise le respect du créateur (dieu), l’Ouest de la maison représente la mort (où le soleil se couche), l’Est la vie, et le Sud permettrait au défunt de prendre le chemin vers le paradis. Comme dit plus haut, si une personne meure elle est considérée comme « malade » et non comme morte avant la cérémonie.
Le corps reste alors dans la chambre au Sud de la maison, la famille continue de donner de la nourriture, des cigarettes et d’entretenir un dialogue avec le « malade ».
Sur la devanture des maisons, les cornes de buffles sont l’indicateur du statut social de la famille, plus il y a de cornes, plus la famille est riche.
En face de ces maisons (représentant la femme) il y a toujours des greniers à riz (représentant l’homme). Dans le pays Toraja, les femmes gèrent le salaire à la maison et vont chercher le riz dans les greniers, tandis que les hommes le cultivent.
D’après la coutume Toraja, il ne peut pas y avoir de maisons traditionnelles sans greniers à riz. Cependant, l’inverse est possible.
Le midi nous partons manger les plats traditionnels Toraja cuits dans le bambou. C’est original, pas hyper bon non plus mais ça change des nasi goreng (riz frit) ou des mie goreng (nouilles frit) de tous les jours !
Les tombeaux
On trouve quatre grands type de tombeaux chez les Toraja, les tombeaux creusés dans la roche, les tombeaux suspendus, les tombeaux construits sur le sol et enfin les arbres tombeaux pour les bébés.
Un Toraja sur deux est chrétien, quelques personnes suivent encore la religion traditionnelle « Aluk To Dolo ». A l’époque, quand les bébés décédaient, ils étaient mis à l’intérieur des arbres sacrés, pour qu’ils continuent de grandir en suivant la croissance de l’arbre.
Endi, nous amène voir celui de Kole, nous passons quelques minutes à regarder cet arbre si étrange avec de petites cavités creusées dans le tronc et recouvertes de portes en fibres végétales.
Nous allons ensuite à Lemo, un village entourés de belles rizières, connu pour avoir de grands tombeaux creusés dans la pierre. Une personne peut passer 6 mois à le creuser, incroyable ! Les familles les plus fortunées font faire des statues en bois à l’effigie de la personne décédée.
Cependant, pour être autorisé à faire sculpter une statue il est exigé de faire une cérémonie particulière avec le sacrifice de 27 buffles dont un buffle noir, un albinos et un castré. Cérémonies qui coûtent des centaines de milliers d’euros…
A Kete Kesu ou Londa, les tombeaux sont suspendus dans le vide et sont en forme de buffle ou de cochon selon le statut social de la personne.
Le tour du pays Toraja en scooteur
Pour les deux derniers jours, nous louons un scooter, dans un mauvais état, mais bon pour 4,60 euros la journée on va pas trop se plaindre.
On passe de village en village, à chaque fois il faut donner quelques roupies (20 000 pour les villages du Nord et 30 000 pour ceux du Sud) pour y rentrer. Tous les villages sont jolis et se ressemblent, certains sont spécialisés dans les statues représentant les défunts, d’autres dans le tissu, etc.
Nous voyons beaucoup de tombeaux, en fait tout est vraiment autour de la mort ici ! Il ne se passe pas 2 km sans que l’on voit un magasin de fabrication de cercueils, de tombeaux, etc.
Il y a un village qui nous a marqué, Londa, car ici il y a une grotte avec des ossements humains un peu partout à l’intérieur. Ambiance très très particulière ! On ne s’y aventure que de quelques mètres pas vraiment attirant tout ça.
Nous montons plus en altitude, où on galère bien avec notre scooter sur la route défoncée par des énormes trous, voir les magnifiques rizières de Bantutumonga. Nous ne croisons très peu de touristes et tous les gens nous font de grands sourires sur la route.
En bref
En bref, nous avons adoré nous immerger chez les Toraja quelques jours. C’était vraiment marquant et unique comme voyage. Cette culture basée autour de la mort est si différente de la notre. Nous avons roulés a travers les villages et la campagne, et avons rencontré des gens très sympas.
La Sulawesi est une île exceptionnelle qui regorge de richesses incroyables!
Nous devons prendre le bus pour rejoindre l’aéroport de Makassar ce soir, et nous passerons pas mal de temps à galérer à savoir d’où celui ci doit partir, vu que le personnel ne parle pas un mot anglais. Au final nous avons trouvé et nous partons pour 7 heures de bus de nuit rejoindre le sud avant de décoller vers la Malaisie.